Homme et femme Il les créa
Créés homme et femme à Son image
Cette phrase paraît bien banale pour des chrétiens. Ces derniers la prennent volontiers même comme un encouragement au Sacrement de mariage. N’est-ce pas aussi la transcription du texte si célèbre du premier chapitre de la Genèse ?
Et si le texte sacré ne disait pas du tout cela ? Pire, cette phrase n’y est pas. Une lecture attentive du récit peut réserver bien des surprises. Acceptons de nous laisser décontenancer ! Après l’étonnement, des perles nous attendent peut-être !
Les a-t-Il vraiment créés homme et femme ?
Aux versets 26 et 27 du premier chapitre de la Bible, il est d’abord dit que « Dieu créa l’homme (Adam) à son image. A son image Il les créa, mâle et femelle Il les créa ». Ce n’est donc pas un homme et une femme qu’Il crée mais un mâle et une femelle. L’homme se réduirait-il alors à n’être qu’un pur géniteur comme les animaux qui doivent croître et se multiplier ? Si tel était le cas, le texte aurait également mentionné la différence sexuelle des animaux, des poissons et des oiseaux, toutes bêtes auxquels il est demandé aussi de se multiplier selon leur espèce. Cette différence sexuelle un peu animale, n’est dite que pour l’homme. Il se joue donc ici, dans cette formulation, autre chose que le seul souci de la reproduction. Quoi donc ?
Homme et femme en relation
Deux petits détails du texte sont à ce propos décisifs. Tout d’abord, avant de créer l’homme, Dieu se parle à Lui-même pour la première fois. Alors qu’auparavant, le texte utilisait un subjonctif de souhait à la troisième personne : « Que la lumière soit ? Qu’il y ait ceci ou cela », au moment de créer l’homme, Dieu se parle à lui-même : « Faisons l’homme » Il établit une relation avec Lui, comme pour signifier qu’Il va créer un être de relation. Ensuite pour la première fois aussi, Dieu s’adresse directement à eux : « Il les bénit et leur dit ». Ces deux signes montrent que la différence sexuelle fait entrer l’homme non pas dans la catégorie des reproducteurs mais dans celle des êtres de parole qui échangent et dialoguent.
Créés à demi ?
Le texte réserve une autre surprise qui va confirmer cette intuition. Dieu n’a pas fait tout ce qu’Il avait décidé. Il s’était promis de faire l’homme « à son image et selon sa ressemblance » et en réalité Il n’a fait que la moitié du travail. « Il créa l’homme à son image ». Exit la ressemblance. Se serait-Il fatigué en route ? Aurait-Il changé d’avis ? N’aurait-Il pas été capable de la ressemblance ? Ces hypothèses sont bien audacieuses et saugrenues pour un Dieu parfait, immuable et tout puissant.
Créés libres
Non, Dieu n’a pas voulu créer l’homme comme un industriel fabriquerait un coupe papier, pour reprendre l’image de Sartre. Si l’hypothèse du philosophe était correcte, l’homme serait un produit tout fait, entièrement prédéterminé, sans aucune liberté. Dieu a laissé à l’homme la mission de devenir à Sa ressemblance. Cette tâche est adressée à sa liberté, comme le soulignaient déjà quelques pères de l’Eglise et plus récemment encore Marie Balmary, psychanalyste et théologienne, dans son ouvrage La Divine Origine auquel ce petit article doit beaucoup.
Ish et Isha
Alors si l’homme doit devenir à la ressemblance de Dieu, comment doit-il procéder ? Les rabbins qui aiment explorer les mots hébreux ouvrent une piste qui ramène cette fois au deuxième chapitre, là où la femme n’est pas créée mais tirée de la côte d’Adam durant sa torpeur, son extase, selon le texte grec. Elle est appelée pour la première fois isha, féminin du nom ish, homme. Il n’est plus question de mâle et de femelle mais d’homme et femme avec cette subtilité que le mot isha n’est que le féminin hébreu du mot ish l’homme, comme l’on dirait actrice pour féminiser le mot acteur.
A la ressemblance de Dieu
Ces rabbins nous réservent une belle surprise. Quand on met ensemble les différences entre les mots hébreux ish et isha, on obtient Ya, les deux premières lettres du tétragramme Yahvé que l’on retrouve dans allelou-Ya. C’est donc lorsque l’homme et la femme acceptent de conjuguer leurs différences et d’aller au devant de celles-ci, de les accepter et de les dépasser dans l’amour, que l’Adam devient à la ressemblance de Dieu. Au contraire si l’on ne retient que ce qui est commun entre ish et isha on obtient le mot esh, en hébreu le feu qui détruit tout. Oui, si chacun occulte ce qu’il a en propre, il est renvoyé à son double, à son clone et le feu de la passion les embrasera.
Ne valait-il pas la peine de se laisser un peu décontenancer pour découvrir ces petites pépites ? C’est bien là une belle leçon et surtout un beau programme pour de futurs époux chrétiens.
Remerciements à Dominique Pignat
Professeur émérite de Philanthropos
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