Je suis célibataire : Suis-je normal ?
Témoignage de Guy, 54 ans, célibataire
Un célibataire est-il normal ?
La rédaction d’un article sur le célibat ne s’est pas révélé la tâche facile que je m’étais imaginée. Tant de questions dérangeantes surgissent et se bousculent, tant de vérités et de mensonges incontournables s’étalent au milieu des tortueux tournants de mes pensées et de mes souvenirs douloureux. Par bonheur, il n’y a pas que des questions difficiles, il y a de bons moments remémorés aussi. Tous ces petits recoins porteront les étiquettes “ mon passé”, “mon histoire”, “mon vécu” qui ont forgé la personne que je suis…que je l’aie entièrement voulu ou non. Puis, que je le veuille ou non, je suis célibataire. Mais, routes tortueuses ou non, je ne suis pas malheureux. Vous excuserez la rime, mais je soutiens que mon histoire est remplie d’espoir. J’aimerais le partager avec vous, mes co-célibataires.
Sur le plan psychologique, il y aurait tant de personnes mieux adaptées que moi à décrire ce sujet, car psy je ne le suis guère. C’est un sujet intéressant que celui du célibat sur le plan psychologique. Un(e) célibataire est-il(elle) complet(ète) sans un(e) conjoint(e)? Une personne adulte peut-elle s’épanouir sur le plan humain sans une personne du sexe opposé avec qui partager sa vie qui vienne la compléter sur le plan affectif et sexuel ? Parfois, je me demande si c’est même normal d’être célibataire. Quoi qu’il en soit, en psychologie je ne suis pas expert mais célibataire je le suis. Permettez-moi, en toute humilité, de vous inviter dans une aventure que je n’avais jusqu’ici jamais tentée, soit discuter ouvertement de mon célibat.
Le supplice des interrogatoires
Je veux bien croire que d’autres célibataires auront entendu, comme ce fut souvent mon cas, de la part de bonnes gens, des questions du genre : “Dites, vous n’avez jamais pensé à vous marier ?” ou : “Est-ce par choix que vous êtes célibataire ?” J’ai même eu droit à ceci : “Etes-vous prêtre ou membre d’une communauté religieuse ?” Ces questions n’ont pas manqué de susciter en moi des réactions allant de la colère à la tristesse en passant par la lassitude et l’indifférence. Heureusement, plus souvent qu’autrement la discussion autour de ces questions n’aura pas dépassé mes réponses et le refoulement de mes émotions.
J’ai connu des situations plus grinçantes où l’on tenait à prolonger l’interrogatoire (et mon supplice) : “Vous n’êtes pas encore marié ? Qu’est-ce que vous attendez ? Vous ne trouverez plus de femme à votre âge ! » Quelle réplique donner à ces braves gens ? “Peut-être cela se produira-t-il un jour” leur dirai-je par ci, en ajoutant du même souffle par là : « Vous connaissez quelqu’un que vous pourriez me présenter ? »
Les rencontres proposées
Sur ce sujet des rencontres proposées - quel célibataire n’y est pas passé ? - voici une anecdote à ce propos. J’ai fait la connaissance d’une dame fort sympathique qui m’a proposé de faire la rencontre de son amie qui semblait correspondre parfaitement à mes « critères » côté âge, foi, intérêts, cuisine. Bref, je vous avoue que j’étais excité par l’inconnu de cette situation…même sans photo de la personne ! Je n’ai même pas pensé que ce serait une autre déception comme j’en ai tant connu. Non, je me suis dit que cette fois serait la bonne ! Eh bien pour résumer, au contraire ce n’était pas tout à fait le cas. Je ne me considère pas difficile mais l’affaire a échoué parce que la gentille dame manquait d’humour, elle était même carrément triste. Voilà une autre affaire échouée parmi toutes les autres.
Le célibat : une aventure qui se vit seul
Tant de gens semblent interpellés par la “différence” voire « l’étrangeté » que représente le célibat. Mes réponses “Non, je ne suis pas célibataire par choix”, “Oui, j’ai pensé à me marier”, et “Non, je ne suis ni prêtre ni membre d’une communauté religieuse” viendront « résonner » jusqu’à ce que je « raisonne » en justifiant que mon (non-)choix a été le bon, que mon célibat ait été pour moi la meilleure chose qui puisse m’arriver. J’ai énuméré toutes les choses que j’ai réalisées - selon sa perspective : grâce à ou à cause de ce célibat que je n’ai pas choisi. Mes expériences sont nombreuses et m’ont apporté beaucoup de bonheur, c’est vrai. Mais qu’en est-il de la vérité quand on est célibataire ? Avez-vous, comme moi, « offert » comme en sacrifice cette solitude ?
Non, le célibat n’est pas truffé de roses, de sorties et de tendres bisous dans un lit chaud au moment de se coucher. Mais s’il faut être triste parce qu’on est seul, eh bien je dis Non merci ! Pour ce qui me concerne. Le célibat pour moi est une aventure qui se vit seul au quotidien (au contraire d’une vie en couple) mais qui n’a pas besoin de nous tirer vers le bas. Je comprends très bien la vie célibataire, j’ai parlé plus haut de ces gens qui se permettent des commentaires qui nous rappellent notre solitude. Qu’est-ce qu’on peut entendre des fois ! Je ne sais si je devrais rire ou pleurer. “Vous n’êtes pas marié ! Pourtant vous ne paraissez pas trop désagréable.” Ouais, les célibataires ont tout entendu ! Mais je suis davantage heureux même si je suis célibataire depuis que je me suis dit que je ne serais pas malheureux. Je suis davantage dans un mode de rencontrer une dame car d’un esprit plus positif. C’est aussi simple que cela…même si j’ai mis plus d’une vingtaine d’années pour apprendre la leçon.
Le célibat n'est pas une maladie !
J’ai lutté, au fil des psychothérapies, des retraites, des lectures et des discussions, contre la notion persistante au fond de mon être que mon célibat était attribuable à quelque chose en moi d’indésirable – mon apparence, ma parole, mes réflexions, mon comportement ou quoi encore ! Il fallait que je combatte ces mensonges. Quiconque croit ces mensonges risque de passer à l’étape dégradante et destructrice suivante : la honte. J’y suis passé.
Vous savez, à une certaine époque, j’aurais tout fait pour ne pas assister aux fêtes d’amis, de famille, ou bien, comble de supplice ! à des noces, afin d’échapper au rappel que je n’avais ni de copine ni de conjointe. C’était insupportable et je sais que de nombreux célibataires sauront de quoi je parle. Dans des moments d’extrême solitude, je me serai retrouvé à critiquer mes parents, mes collègues d’école et de travail, tout en me torturant intérieurement en disant combien j’étais moche, nul, con…tout ce que vous voudrez. Heureusement, au fil des années je me suis réconcilié avec moi-même et les autres et suis devenu moins susceptible et agressif. Mon image de moi s’est reconstruite et je suis davantage paisible. Mais, les ami(e)s, je connais la musique de ces situations pénibles de célibataire. Ah que oui !
Nombreux sont ceux et celles qui «vivent avec » le célibat et qui le traînent comme une maladie ; pour certain(e)s ce peut être un lieu carrément noir. J’ai moi-même survécu à une chambre de ténèbres où cohabitaient peine, colère, refus, regret, illusion, désespoir…entre autres monstres. Mais j’ai fini par apprendre que si au fond de votre coeur vous ressentez le désir d’un(e) compagne ou d’un compagnon, gardez-le cet espoir ! Gardez l’espoir, gardons l’espoir ensemble. Vous savez, je suis toujours célibataire et je garde l’espoir. Et ce, en dépit de mes 54 balais, qu’un jour je trouverai mon amie pour la vie (enfin pour ce qu’il en restera). Je désire un jour rencontrer cette âme-sœur, point barre.
Le célibat n'est pas un sacrifice
Entre-temps, je résiste à l’idée du « sacrifice ». C’est facile - et hyper douloureux - de justifier son célibat par une notion de « sacrifice », à savoir qu’on peut en tant que célibataire mieux se mettre au service de Dieu et de ses frères et soeurs. Voilà un piège s’il en est un, dans lequel je n’ai aucun doute que plus d’un(e) célibataire sera tombé(e). Voyez-vous un peu le dénis de la situation dans laquelle on est susceptible de tomber ? On veut disparaître à soi-même car on ne s’aime pas et cesser d’exister dans un élan de service aux autres. Ne dit-on pas qu’il faut s’aimer afin de pouvoir aimer les autres ?
Je ne crois pas que Dieu veuille que pour Le servir et Lui rendre gloire nous soyons obligés d’être mal dans notre peau et nous sentir abaissés, au contraire. La question à se poser est simple : Qu’est-ce qui nous rendra heureux ? Une réponse raisonnable à cette question est déjà le début du bonheur. J’ai mis du temps à répondre à cette question et suis tombé dans le dénis et le mensonge à plus d’une reprise. Mais si on tombe, ce qui est humain et normal, il faut se relever, n’est-ce pas ? Je me suis relevé - et continue de me relever. J’ai pendant des années examiné avec du recul les événements de ma vie et le « fil » qu’ils auront suivi. Toujours célibataire, jamais marié.
Le célibat est une invitation à l'ouverture
J’ai connu des luttes. Depuis que j’étais tout petit, j’ai manqué de confiance en moi et ai connu une enfance turbulente. Puis, dans la trentaine et la quarantaine, je me me suis demandé et redemandé : Où ai-je été mené? Réponse : dans plein de situations auprès de personnes en difficulté, exclues, ayant d’importants handicaps, souvent seules, négligées. J’ai longtemps travaillé dans L’Arche de Jean Vanier qui accueille des personnes avec un handicap mental, ainsi qu’avec les Sœurs Missionnaires de la charité de Mère Teresa. Je me suis senti accepté par les personnes que j’ai accompagnées et par mes collègues volontaires. Cela a été mon salut.
Je ne suis pas célibataire parce que je suis moche, timide ou quoi encore ! Et je veux toujours trouver l’âme sœur ; pour moi c’est clair. Mais j’ai refoulé ce désir dans les notions de sacrifice, de culpabilité, d’auto-destruction (je vous ferai grâce de mes années de drogue et d’alcool). Dieu m’a montré la route vers les pauvres et m’a permis de me découvrir et de m’accepter comme le pauvre que je suis tout en me rendant conscient de Son Amour infini pour moi, célibataire ou pas.
Le célibataire est route, aimable et Aimé
J’en suis finalement arrivé à accepter ces belles choses et, en cours de route, j’ai perdu timidité et rancoeurs, agressivité et refoulement. Je suis même devenu ce que j’ai toujours désiré : musicien-chanteur et animateur-organisateur d’événements. En cours de route, j’ai dû combattre la tentation de chanter toujours et encore le refrain-piège de cette voix intérieure tyrannique me disant que j’étais indésirable, moche, inutile. Comme dans la chanson d’Edith Piaf, Non je ne regrette rien, c’est oublié, balayé, je me fous du passé.
Le plus gratifiant et libérateur dans tout ça c’est que maintenant, même avec mes 54 balais, je garde toujours l’espoir, avec l’absence presque totale (restons humble) de honte et de culpabilité, que je trouverai un jour cette âme-sœur que je désire. Quelque par - je ne sais ni où ni comment. J’y crois. N’est-ce pas là déjà le début de la réussite en toute chose : d’y croire ?
Dieu vous garde et vous aime car vous êtes aimables, célibataire ou pas. A cela vous pouvez croire !
Guy
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