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Les dix étapes du pardon

Prier

Le pardon n'est pas un acte ou une formule magique qui permettrait une restitution "Ad integrum" de la situation. On ne peut effacer le vécu ou faire comme si tel événement ou telle personne n'avait pas existé. La vie est faite de moments, de cheminements, d'étapes. La démarche du pardon peut prendre du temps ou être très rapide (de quelques minutes à plusieurs années) : tout dépend de l'offense ou des personnalités en cause ! Le temps importe peu, l'ordre des étapes aussi, mais chacune est quelque part un passage obligé.

1. Le préalable

Le préalable au pardon est de faire cesser l'offense ou de se soustraire à l'offense. Je me dois à moi-même de maintenir les conditions de ma survie. Une offense est une menace et je ne saurais l'accepter. Il y va de l'estime que je me dois et de la protection qu'il me faut pour pouvoir vivre.

2. Reconnaître ma blessure et m'avouer ma souffrance

Il n'est pas question de nier ou minimiser l'offense. Ce serait du refoulement, c'est-à-dire refermer une plaie infectée sans l'avoir nettoyée ; l'abcès se forme sous la suture et risque d'infecter tout le corps. Je dois me souvenir. Si j'oublie l'offense subie, je ne peux pardonner !

Pardonner, c'est donner gratuitement à quelqu'un ce qu'il m'a pris sans l'avoir demandé ou lui faire cadeau de la juste compensation que j'étais en droit d'en attendre ; reconnaître ma blessure, c'est aussi entrer dans ma vulnérabilité ! Une blessure révèle ma faiblesse. Vous connaissez l'expression "on est blessé au défaut de la cuirasse". La révélation au grand jour de ma faiblesse peut me procurer de la honte et briser l'image idéale que j'avais de moi-même : j'aurais aimé être forte. Mais non ! J'ai des limites, je peux parfois être faible, dépendante, incompétente, inadéquate, impuissante.

3. Trouver quelqu'un avec qui partager ma blessure, ma souffrance

Enfouir ma blessure, la ruminer, c'est le meilleur moyen de l'envenimer au fond de moi. Il me faut la dire, l'extirper par la parole. La parole dite est comme le drainage d'un abcès de pus, un drainage de toute l'amertume, la rancune et la douleur reçue à l'endroit de ma blessure. Il faut trouver une oreille bienveillante et chaleureuse, capable de donner réconfort et consolation. Ce peut être un proche. Mais la famille et les amis, parfois, ne savent pas comment répondre, sont désorientés, démunis. Ils peuvent aussi se lasser, surtout si la blessure est si profonde qu'elle a besoin de se dire et de se redire. Il faut savoir alors se tourner vers les professionnels de l'écoute thérapeutes, psychologues et psychiatres. Il faut du courage pour aller trouver quelqu'un d'inconnu et lui parler de soi, dépasser sa honte et accepter d'exposer ses faiblesses. Mais c'est aussi une manière de s'aimer soi-même et de se dire : "Je suis quelqu'un d'important à mes yeux et je vaux la peine de soigner mes blessures". En me blessant, l'autre a oublié les égards dus à tout être humain ; il m'a traité comme on traite une chose. Après cette blessure, j'ai besoin d'une démarche qui me replace dans mon entière humanité. Un psychothérapeute peut être ce vis-à-vis humain qui favorisera cette reconstruction.

4. Nommer ce que j'ai perdu pour entrer dans ce processus de deuil

Il me faut identifier la perte ; par la blessure qu'il m'a faite, mon agresseur m'a pris quelque chose. Par le souci ou la douleur créée, au minimum il m'a pris un peu de ma sérénité, de ma santé. Il m'a atteint dans mon intégrité. Il a terni l'image que je me faisais de moi-même. Par ailleurs, Il est important de séparer l'offense elle-même de mon ressenti et de l'interprétation que je m'en donne:

- mon ressenti peut-être exacerbé par un fait similaire, plus ancien, non soigné, et qui me fait réagir à l'offense présente de manière disproportionnée. Dans ce cas, il faut commencer d'abord par s'occuper de soigner l'offense la plus ancienne.

- au sujet de l'interprétation que je me donne de l'offense, elle est souvent programmée par l'apprentissage que j'ai fait dans l'enfance de ce genre de situation. Mais il est possible, en prenant conscience de cet apprentissage initial de réapprendre autrement. On ne peut changer les faits mais on peut changer l'angle sous lequel on les voit !

5. Accepter ma colère et l'envie de me venger

La colère, en tant que sentiment, est une bonne chose quand elle répond spontanément à une blessure. Elle me signale qu'il y a eu atteinte à l'intégrité de mon territoire et de plus, elle met à ma disposition l'énergie dont j'ai besoin pour rétablir mes frontières. Je dois simplement veiller à ne la laisser se dégrader, ni en jugement de condamnation qui réduit l'autre à son acte inacceptable, ni encore moins en passage à l'acte destructeur. En chacun de nous, il y a un enfant. Cet enfant s'est senti humilié, impuissant à se protéger. Il se sent coincé par sa peur et sa peine. Il rêve de reconquérir son pouvoir en infligeant à l'autre une cuisante défaite et pour cela, il va solliciter l'aide de toutes les parties disponibles de sa personnalité, spécialement de celles qui jugent et condamnent. Si, au lieu d'investir dans une démarche de jugement et de condamnation, je prends un peu de temps pour aider cet enfant (qui est moi-même) à exprimer jusqu'au bout son humiliation, sa peur et sa peine, dans un climat de respect, mes envies de vengeance ne tarderont pas à disparaître.

6. Comprendre mon offenseur

Il est important que je fasse l'effort de comprendre mon offenseur en essayant de voir les choses momentanément de son point de vue. Bien sûr, ce ne sera ni pour l'excuser, ni pour minimiser ce qu'il a fait, mais tout simplement pour être honnête et remettre le geste de l'autre dans son contexte concret. Son histoire l'a amené jusqu'à ce geste qui a croisé ma propre histoire. Mais à travers ce geste qui m'a blessé, l'autre tentait certainement d'obtenir quelque chose de bon pour lui-même. Dans cette perspective, n'oublions pas de nous rappeler que l'offenseur est un être humain qui ne peut être réduit à l'aspect mauvais de son geste. Cependant, même si l'on veut tout savoir sur son offenseur, on ne saura jamais percer totalement le secret, ni même découvrir tous les motifs de son geste, motifs souvent inconnus de lui-même. On se retrouve devant le mystère d'une personne vivante ; de sorte que comprendre l'offenseur, c'est accepter de ne pas tout comprendre !

7. Trouver un sens à ce qui m'est arrivé

Toute souffrance vraie, à condition de la scruter patiemment, m'apprend des choses importantes sur moi-même. Et par là même, m'ouvre des possibilités insoupçonnées pour moi-même et pour ma relation avec les autres. C'est ainsi que l'on peut découvrir le cadeau enfoui sous l'offense. Je suis pour ma part toujours émerveillée par les gens dont la vie manifeste ce point. Par exemple, je pense à ces parents remarquables qui, après avoir subi la perte d'un enfant à cause d'un agresseur pervers ou d'une maladie incurable, fondent une association d'aide pour les autres parents dans le même cas. Je pense aussi à ce patient, cet homme chef d'entreprise à la vie bien remplie, dont le fils toxicomane l'a énormément blessé, et qui, pour sa part, a fondé une association pour la prévention de la toxicomanie par la vente de jouets pour les enfants.

8. Décider de ma réponse à cette blessure

Répondre autrement que par la vengeance : me venger, ce n'est pas exiger une juste réparation pour le tort que l'on m'a causé, mais plutôt faire du tort parce qu'on m'a fait du tort. C'est prendre pour modèle un comportement destructeur dont je fais déjà les frais. En quoi cela pourrait-il me construire ? Si consciemment et volontairement je fais comme mon agresseur, en me vengeant, au nom de quoi puis-je lui reprocher son geste ? Me venger enclenche une spirale sans fin l'autre ne va-t-il pas à son tour vouloir se venger de ma vengeance ? Me venger, ce serait investir pour prolonger un passé de souffrance au lieu d'investir dans la guérison de ma blessure.

Décider de cesser de nourrir consciemment le vécu affectif de mon passé : la vie est devant. Les émotions doivent être exprimées. Il faut le temps nécessaire à cela. Les thérapeutes sont là pour donner temps et lieu, un espace à l'expression de ces émotions. Mais cet espace a des limites. Me poser en victime perpétuelle est une attitude qui peut m'apporter des avantages car je sollicite de la consolation. Je peux aussi réduire ma vie à ce malheur et entrer en relation avec les autres par ce moyen et en obtenir considération, voire célébrité. Je deviens important aux yeux des autres par ce moyen, cette offense. Mon besoin de protection peut être tellement grand que mon offense peut être le moyen tout trouvé de solliciter constamment amis, famille, milieu médical. Mais pour vivre pleine ment, je dois grandir et renoncer à ce que les autres me plaignent toujours et me protègent. Je dois assumer les responsabilités de ma vie à venir sans me cristalliser sur ma souffrance passée.

Dire à son offenseur : je te pardonne ! Ce pardon est une condition de survie. C'est ne plus permettre à l'autre, par son offense passée, de continuer à me faire du mal dans le présent. Je lui permets de continuer à me blesser si je reste dans le monde de la vengeance ou si je persiste à me considérer comme une victime. Le pardon est un événement ; c'est-à-dire qu'il y a un avant et un après. C'est une décision consciente et motivée qui vient au terme d'un long cheminement. Le pardon est un don gratuit. C'est moi qui décide que je suis prêt et que je le donne. Le pardon est un rapport personnel entre l'offensé et l'offenseur. Il est important qu'il soit délivré explicitement.

9. Se pardonner à soi-même

Ce pardon à soi-même conditionnera le pardon accordé à l'autre. C'est dans la mesure où je prends conscience et accepte mes limites et ma finitude que je peux avoir compassion de l'autre et lui pardonner. Pour se pardonner à soi-même, il faut s'aimer. Or souvent, on est pétri de mésestime envers soi-même, voire de haine. Cette hostilité envers soi vient tout d'abord des messages négatifs reçus dans l'enfance de la part de parents impatients, agressifs, malades ou d'éducateurs maladroits ou mal intentionnés. Il se forge ainsi un complexe d'infériorité qui peut me rendre toujours déçu de moi-même. Je dois me pardonner de ne pas être forcément comme les autres attendaient que je sois. Je dois accepter d'être ce que je suis et me regarder avec mes propres yeux en me libérant du regard dévalorisant ou désapprobateur qui a pesé sur l'enfant que j'étais. Une autre raison de l'hostilité envers soi vient de la recherche d'un bonheur et d'une perfection absolue. Ce désir d'être irréprochable, parfait, tout puissant, entre en conflit avec la réalité de notre humanité limitée. Grandir, c'est apprendre à accepter sa finitude et tolérer son sentiment de culpabilité de ne pas être parfait. Je n'ai pas à m'enfermer dans des regrets éternels de ce que j'aurais dû faire ou être. En réalisant et me pardonnant mes propres failles, je peux concevoir et pardonner celles d'autrui.

1. Décider de ce que je veux faire de cette relation

Pardonner, ce n'est pas forcément rétablir la relation. Beaucoup de gens ne pardonnent pas parce que pour eux pardonner voudrait dire recommencer comme avant. Non, pardonner c'est décider, après avoir consacré un temps suffisant à l'écoute de ma blessure et à l'expression des sentiments qui y sont liés, de ne plus investir concrètement d'énergie dans ces mêmes émotions ; le pardon concerne le passé. Pour le présent et pour l'avenir, je suis responsable de répondre aux questions suivantes

  • une relation est-elle constructible entre moi et mon agresseur ?
  • Si oui, à quelles conditions et à quel prix ?
  • Cela vaut-il la peine de payer ce prix-là ?

Sources :

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 Type : Dossier
 Thème : Santé & Psychologie
 Source : Aimer & Servir 
 Publié sur Lueur

Le pardon chrétien

La particularité du pardon chrétien réside dans sa profondeur et sa dimension spirituelle. Voici quelques aspects clés :

  1. Amour inconditionnel : Le pardon chrétien est souvent fondé sur l'amour inconditionnel, comme l'illustre l'enseignement de Jésus. Il encourage les croyants à pardonner non seulement à ceux qui leur demandent pardon, mais aussi à ceux qui ne le font pas.

  2. Restauration des relations : Le pardon vise à restaurer les relations, tant avec autrui qu'avec Dieu. Il permet de surmonter les blessures et de rétablir à l'avenir des liens sains.

  3. Libération personnelle : Pardonner libère non seulement celui qui est pardonné, mais également celui qui pardonne. Cela aide à alléger le poids de la colère et du ressentiment.

  4. Exemple divin : Dans la tradition chrétienne, le pardon de Dieu est central. L'idée que Dieu pardonne les péchés de ceux qui se repentent incite les croyants à suivre cet exemple.

  5. Dimension sacramentelle :  Le pardon est aussi un acte sacramentel, comme dans la confession, où le pardon des péchés est accordé par Dieu à travers un prêtre.

En somme, le pardon chrétien est une pratique qui encourage la compassion, la miséricorde et l’amour, reflétant la nature même de Dieu dans la foi chrétienne. Le pardon et la miséricorde sont deux concepts souvent liés, mais ils ont des significations distinctes. Voici les principales différences :

Différence entre pardon et miséricorde

Pardon

  1. Définition : Le pardon est l'acte de libérer une personne de la dette morale ou émotionnelle résultant d'une offense ou d'une blessure. Cela implique de renoncer à la colère ou au ressentiment envers celui qui a causé du tort.

  2. Acte volontaire : Le pardon est généralement un choix conscient, souvent conditionné par un repentir ou une demande de pardon de la part de l’offenseur.

  3. Relation interpersonnelle : Le pardon se produit souvent entre deux personnes et implique une dynamique de réconciliation. C'est une action spécifique envers quelqu'un qui a blessé.

Miséricorde

  1. Définition : La miséricorde est une attitude de compassion et de bienveillance envers ceux qui souffrent ou qui sont en difficulté, avec ou sans offense directe. C'est un sentiment plus large qui inclut le désir de comprendre, compatir et de soulager la souffrance.

  2. Acte plus général : La miséricorde ne nécessite pas nécessairement une offense préalable. Elle peut être accordée à des personnes qui sont en détresse, indépendamment de leurs actions.

  3. Dimension divine : Dans le contexte chrétien, la miséricorde est souvent associée à la nature de Dieu, qui manifeste une compassion infinie envers l'humanité, même envers ceux qui ne le méritent pas. La miséricorde divine s'est révélée par Jésus Christ à soeur Faustine en Pologne.

En résumé

  • Pardon : Acte de libération d'une dette morale entre individus, souvent lié à une offense.
  • Miséricorde : Attitude de compassion et de bienveillance, qui peut être dirigée vers ceux qui souffrent, sans nécessairement impliquer une offense directe.

Ces deux concepts sont complémentaires dans de nombreuses traditions spirituelles, mais ils opèrent dans des contextes différents.

La Bible regorge d'exemples illustrant la miséricorde de Dieu. Voici quelques-uns des plus significatifs :

  1. Le Psaume 102 (103) : Ce psaume célèbre la miséricorde de Dieu, en déclarant que Dieu pardonne toutes nos iniquités et guérit toutes nos maladies. Il est décrit comme plein de compassion et lent à la colère.

  2. L’histoire de Jonas : Dieu envoie Jonas à Ninive pour annoncer un jugement imminent. Lorsque les habitants se repentent de leurs péchés, Dieu fait preuve de miséricorde en épargnant la ville.

  3. La parabole du fils prodigue (Luc 15:11-32) : Cette parabole montre un père qui accueille avec joie son fils repentant, illustrant l'amour inconditionnel et la miséricorde de Dieu envers ceux qui reviennent à lui.

  4. La femme adultère (Jean 8:1-11) : Lorsque des pharisiens amènent une femme accusée d’adultère, Jésus leur dit de laisser celui qui est sans péché être le premier à lui jeter une pierre. Il lui dit ensuite qu'il ne la condamne pas et lui demande de ne plus pécher.

  5. Le bon samaritain (Luc 10:25-37) : Bien que ce soit une parabole sur la compassion, elle reflète également la miséricorde de Dieu en montrant que l'amour du prochain transcende les barrières culturelles et religieuses.

  6. L’Alliance avec Israël : Dans de nombreux passages, Dieu renouvelle son alliance avec le peuple d'Israël, malgré leurs infidélités. Par exemple, dans Ésaïe 54:10, Dieu promet que sa miséricorde ne sera jamais éloignée de son peuple.

  7. L’évangile de Matthieu (Matthieu 9:36) : Jésus voit la foule et est rempli de compassion pour elle, parce qu'elle est troublée et abattue, comme des brebis sans berger. Cela montre sa miséricorde envers ceux qui souffrent.

Ces exemples montrent que la miséricorde de Dieu est un thème central dans la Bible, mettant en avant son amour, son pardon et sa compassion pour l'humanité et pour chacun, tel qsu'il est, qu'elle que soit sa situation :

"Je t’aime d’un amour éternel, (Jérémie 31-3). J’ai gravé ton nom sur les paumes de mes mains (Isaïe 30-16) et personne ne te ravira de ma main” (Jean 10-28).